La Belle vie

  • De Jean Anouilh, mise en scène de Jean-Philippe Daguerre. Avec Annie Chaplin, Charlotte Matzneff, Flore Vannier-Moreau, Grégoire Bourbier, Johan Dionnet, Antoine Guiraud, Yves Roux, Jacques Auxenel ou Olivier Girard, Jean-Philippe Daguerre ou Stéphane Dauch, Pierre Benoist ou Jean-Yves Ostro
  • Spectacle vu le 18 avril 2012 à

Qu’annonce Jean Anouilh avec La Belle vie, une pièce écrite en 1979 pour la télé, inédite au théâtre, ici sous-titrée « le loft des aristos » ? La télé-réalité des années 2000, une société voyeuriste, une nouvelle dictature politique ? Tout cela à la fois, sans doute, avec un côté grotesque propre au vaudeville et des codes un peu datés. Dans une Allemagne qui aurait connu la révolution rouge, les aristocrates sont traqués, emprisonnés en vue d’être exécutés tandis que les enfants sont placés en camps de redressement. Au milieu de ce carnage, une famille de la haute société est épargnée par son ancien maître d’hôtel, afin de servir à l’édification du peuple sur ce que fut l’oppression bourgeoise. Chaque soir, il joueront donc au cœur même de leur appartement quelques scènes de leur vie antérieure, face à un parterre d’ouvriers observant la « classe de loisir » décrite par Bertrand Russel dans son Éloge de l’oisiveté.

Dans ce « musée du peuple » exposé au regard de la population, la famille continue à vivre comme avant, cigares pour le mari, service à thé pour la femme, robes offertes à la fille et soubrettes au fils. Lors de deux séances consécutives, la famille surjoue son quotidien, le thé, les cartes, les disputes, jusqu’au petit doigt en l’air pour l’agrément du peuple qui a ses préjugés. Le dispositif théâtral est conçu de telle sorte que les spectateurs deviennent les voyeurs de ce musée vivant, le lien entre la salle et la scène étant assuré par ces gardes armés qui passent au milieu des rangs.

Fidèle à ses thèmes fétiches, Anouilh critique aussi bien le privilège de la naissance que la soif d’égalitarisme, les faux semblants de la société bourgeoise comme ceux de l’utopie communiste. Il y a du comique de répétition ou de situation, des tartes à la crème, des gestuelles saccadées d’automates ou de marionnettes… Tous les comédiens jouent juste, des plus secondaires à Annie Chaplin, dernière des filles de Charlot et soeur de Victoria, dans le rôle de la grand-mère, qui mène sa troupe avec autorité. Un spectacle vif où le boulevard est mis à distance par le théâtre dans le théâtre.

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