Le repas des fauves de Vahé Katcha, par Julien Sibre et Isabelle Brannens

Le repas de fauves est une expérience de théâtre singulière, un mélange réussi entre théâtre et vidéo sur un thème tragique. Un soir de 1942, sous l’occupation, des amis se réunissent pour un dîner d’anniversaire. Pendant la soirée, deux SS sont tués en bas de l’immeuble. Un commandant allemand débarque en annonçant aux sept convives qu’ils doivent s’entre-dénoncer pour lui livrer deux prisonniers. Voici un huis-clos au suspens intense sur fond de guerre, de marché noir, de pénurie de matières premières, où flotte une très lourde atmosphère de soupçon.

Face à l’ignoble dilemme, chacun se révèle aux autres et à soi-même tel qu’il est réellement, dans sa grandeur ou sa petitesse : le médecin machiavélique, l’aveugle rescapé de guerre, la résistante sur la réserve, le prof de philo cynique, le couple prêt à inventer une grossesse ou le commerçant à faire le salut hitlérien. Qu’il soit courageux ou lâche, chacun pète les plombs à un moment de la pièce pour tenter d’échapper à la mort. Ainsi se découvrent les pro et les anti-Allemands, les collabos et les antisémites…

La justesse du texte, alliée à celle du jeu, tient les spectateurs en haleine pendant une heure et demie, avec de courts films d’animations, à la manière de l’excellent Valse avec Bashir. Ici l’écran sert à quelque chose : il accélère, dramatise l’action, tout en apportant une dimension sonore comme l’écho des pas dans l’escalier… Après le film éponyme de Christian-Jaque (1964), cette nouvelle adaptation du livre de Vahé Katcha montre avec une efficacité totale comment, face au jeu morbide l’officier allemand, les amis deviennent des fauves.

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