The Servant, de Robin Maugham, mise en scène Thierry Harcourt

Un Molière du comédien pour Maxime d’Aboville et deux prix de la critique, tout cela crée des attentes – et elles ne sont pas déçues ! Thierry Harcourt adapte The Servant, la pièce de Robin Maugham qui avait inspiré le film de Joseph Losey dont le script était de Pinter, en insistant plus sur la perversion du valet que sur une véritable inversion des rôles. Dans le Londres des années 50, un aristocrate engage, pour s’occuper de sa maison cossue, un domestique qui va finir par prendre le pouvoir. Barrett bricole, cuisine et redécore la maison à la perfection, au point que Tony ne peut plus se passer de lui.

The Servant montre les mécanismes d’une emprise psychologique perverse, un peu à la façon de Qui a peur de Virginia Woolf récemment mis en scène par Alain Françon. Il s’agit ici de voir comment Barrett sépare Tony de son entourage, lui fait embaucher son amante qu’il dit être sa sœur et, insidieusement, prend possession des lieux.

Le jeu des comédiens est empreint d’un naturel spontané, les dialogues s’enchaînent avec fluidité et une certaine vigueur. On avait vu Maxime d’Aboville très convaincant en Jacques Vaché dans le cabaret Dada de Jean-Michel Ribes, où il jouait en compagnie de sa fille Alexie, ici très juste en maîtresse délaissée. On le redécouvre dans une incarnation impeccable du valet tantôt obséquieux tantôt manipulateur. Rien à reprocher non plus à Xavier Lafitte (l’aristocrate paresseux et irresponsable qui joue l’ivresse avec un réalisme étonnant : air absent, yeux mi-clos), à Adrien Melin (le meilleur ami) et à Roxane Bret (la jeune servante).

La mise en scène de Thierry Harcourt procède par indices : la maison se décore sous nos yeux puis elle se vide tandis que Barrett, dont les motivations restent obscures, prend toujours plus de place. Au passage, elle confère à ce huis-clos une dimension sexuelle et un arrière-plan politique, en opposant une classe laborieuse et maline à une aristocratie désœuvrée, qui semble s’accommoder de son propre déclin… Cette pièce est une réussite à tous les égards !

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