Le bonheur des dames

  • Adaptation et mise en scène de Florence Camoin. Avec Alexis Moncorgé, Caroline Darnay, Olivia Demorge, Laurent Feuillebois, Claire Faurot, Anna Strelva, Sarah Bloch, Sylvie Guermont, Olivier Hermel, Alain Lawrence, Pierre-Marie de Lengaigne, Xavier Girard.
  • Spectacle vu le 30 octobre 2014 à

Il est plaisant de voir une pièce qui n’a d’autre ambition que de divertir. Pas de décalage satirique ici, non plus que d’avant-garde savante. C’est un grand roman de la fin du 19e siècle qu’a adapté et mis en scène Florence Camoin, de ceux qu’on étudie au bac français et qui sont le reflet d’une époque, Au bonheur des dames. Une transposition scénique parfaitement réussie, sans fioriture ni affectation, fidèle au livre, avec des comédiens qui jouent juste et servent l’intrigue. En premier lieu le petit fils de Jean Gabin, Alexis Moncorgé qui incarne un Octave Mouret séduisant et ambitieux, calculateur mais touché par l’amour d’une fille honnête et innocente, dont la réserve intelligente saura lui faire oublier ses maîtresses, Denise Baudu campée avec délicatesse par Olivia Demorge.

Le roman paraît en feuilleton dans Gil Blas, entre décembre 1882 et mars 1883, alors que triomphent les Grands magasins. Zola imagine une sorte de Bon marché qu’il baptise Au Bonheur des dames, plaçant l’action entre 1864 et 1869. Cette nouvelle enseigne ne va cesser de croître, jusqu’à écraser la concurrence : ce vaste tableau dépeint en filigrane la mort du petit commerce, le début de la mode féminine démocratisée, l’ascension sociale sous le second Empire… Mais au premier plan se dévoilent aussi des cancans, des scènes de jalousie et une histoire d’amour contrariée.

Cette adaptation a gardé toute la force du style de Zola, avec ses métaphores filées, culinaires par exemple lorsqu’il évoque les grandes portes du magasin qui avalent les acheteuses par bouchées entières avant de les recracher, ces froufrous, cette foule bouillonnante qui fait perdre la tête aux clientes étourdies à force de tourner sur elles-mêmes. C’est le début des techniques de marketing, comme cette astuce consistant à baisser le prix d’un tissu dont on fait la promotion pour créer un effet de masse, que la concurrence voudra imiter sans y parvenir. Rien n’arrête ce jeune patron à la progression fulgurante, sauf peut-être le préfet Haussmann, auprès duquel il doit quérir l’autorisation d’agrandir son magasin…

La scène se fait théâtre du roman et grouille d’allers et venues, à l’image de l’intrigue. La narration est bien rendue par cette troupe vivante au jeu classique, en costumes d’époque. Tout comme dans les Mystères de Paris, quand le théâtre adapte le roman pour en retrouver le souffle, c’est assez jouissif. L’heure et demie passe toute seule, sans effort, et dresse devant nos yeux séduits la fresque d’un Paris révolu.

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