Compost, un spectacle d’Abby Neuberger et Luca Bernini

À la suite de Gadoue, on pouvait assister, lors de l’ouverture de Village de Cirque, à la générale d’un tout nouveau spectacle intitulé Compost. Il faut quitter le chapiteau pour marcher un peu plus loin sur la pelouse de Reuilly, où le même public d’enfants est installé sur des chaises pliantes. En fait, la pelouse n’est pas vide, deux personnages endormis s’y réveillent comme on vient au monde. Un homme et une femme, Adam et Eve peut-être, version américaine et italienne : Aby Neurberget et Luca Benini. Tous les deux, à peine sortis de l’Académie Fratellini, proposent déjà un spectacle d’une grande maturité, mis en scène par Nicolas Verken, créateur de la Cie Ktha.

Quelques mouvements, d’abord saccadés : ils semblent prendre conscience de leurs corps scellés dans le sol. Comment bouger les hanches, puis les jambes, les bras, les mains ? Comment parvenir à reproduire ses propres mouvements ? Ils se rapprochent et comprennent qu’ils peuvent interagir, se frôler, se toucher ou s’envoyer en l’air, en portés et acrobaties impressionnantes. Puis, petit à petit, la voix : ils commencent à émettre des sons d’abord non articulés, cris d’animaux ensuite, et les voix se précisent pour prononcer un premier mot, « bonjour », qu’une fois appris et compris ils adressent à tout le monde : passants, brins d’herbes, branches d’arbres, cheveux…

En fait, Compost est une histoire de l’humanité abrégée en 45 minutes de cirque tout terrain. Les mouvements, les portés sont un peu anarchiques et freestyle, mais il y a une extrême performance physique dans ce travail de « main à main » produisant bascules, pirouettes et sauts. Certains lancers acrobatiques sont déviés et ces trajectoires dangereuses de corps empêchés, bloqués en l’air, font penser au travail de la Cie XY. La préhension est facilitée par ces vêtements de tissu brut illustrant à la fois l’homme préhistorique et le courtisan. D’ailleurs, un passage de danse baroque fait référence à la cour de Versailles, avant une série de jeux d’eau aux postures de statues. On est passé de l’âge de pierre à celui de la courtisanerie raffinée qui engendrera une nouvelle société de mœurs, comme nous le décrivent les livres de  Norbert Elias. Complétant le duo, la scénographe Maïwen Cozic arrive en scène avec une machine qui se révèle fontaine, puis dispositif filmique offrant un final en apothéose.

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