Garden Party par la Cie n°8 au théâtre Antoine

Quand le théâtre de rue arrive sur scène et fait trembler les murs d’un théâtre bourgeois, on ne peut bouder son plaisir. De même, il y a onze ans, Franky O’Right concurrençait les humoristes traditionnels en retournant le plateau de la Comédie de Paris, dans un numéro de showman repris en cabaret burlesque. Oui, c’est Alexandra Pavlata, vu aussi en duo avec Christian Tétard, qui met en scène cette Garden Party avec sa Compagnie Numéro 8. Sans doute la version la plus aboutie d’une fresque burlesque sur la haute société qu’ils rodent de création en création et de festivals en festivals, de Noisy-le-Sec à Aurillac, depuis Donnez-nous votre argent en 2006 jusqu’à cette adaptation scénique de Cocktail party, en passant par Monstres d’humanité ou Homos Sapiens Bureaucraticus. Toujours, ils montrent des riches déshumanisés qui s’entre-bouffent pour de l’argent.

Cette garden party est un prétexte à découvrir une grande bourgeoise désœuvrée nourrie au champagne et aux petit fours, que la vue d’un caddie fait frémir. Pour se distraire, les desperate housewives s’injectent du botox (extraordinaire ballet de femmes grimaçantes mené par Charlotte Saliou alias Jacky Star, vue dans Elianes…), les hommes se tirent dans les pattes, jouent aux duellistes à l’ancienne, envoyez-moi vos témoins, et deviennent des moutons bêlant qu’on tire à vue. On est dans un registre clownesque, où les phrases sont des borborygmes évocateurs : ainsi les comédiens commencent par émettre des sons, des onomatopées suscitant des cascades de rires. Et puisque ce spectacle vient de la rue, il dynamite le théâtre Antoine avec des balanciers qui transportent certains comédiens dans les airs, au-dessus des spectateurs médusés.

C’est une image des riches vue par le lorgnon d’un entomologiste, une observation quasi scientifique, ornithologique de leurs comportements. Lorsqu’ils n’ont rien à dire, ils observent avec anxiété, attendant fiévreusement qu’un de leurs congénères émette un signe ou un son qu’ils pourront reproduire pour cancaner à leur tour : on a rarement vu les modes courtisanes décortiquées de façon aussi forte. D’abord précieux et civilisés, ils se lâchent et finissent par s’entre-dévorer en se livrant à des jeux cruels, à l’image de ce colin-maillard sado-masochiste.

Voici une aristocratie désœuvrée, oscillant toujours entre romantisme à l’eau de rose et partouze débridée, prisonnière d’habitudes corsetées et pourtant si prompte au craquage exhibitionniste, caste prétendument civilisée rendue au moindre prétexte à l’état sauvage. La qualité de jeu de la troupe d’Alexandre Pavalta est exceptionnelle, augmentée encore par la bonne humeur que ressentent les spectateurs à voir ces artistes si complets prendre un tel plaisir à jouer ensemble.

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