Illumination(s) – Performance spectacle d’Ahmed Madani

  • Avec Boumes, Abdérahim Boutrassi, Yassine Chati, Abdelghani El Barroud, Mohamed El Ghazi, Kalifa Konate, Eric Kun-Mogne, Romain Roy, Issam Rachyq-Ahrad
  • Spectacle vu le 10 mai 2012 à

Le spectateur est d’abord immergé dans une performance vidéo de Nicolas Clauss, Terres arbitraires, dont le titre est tiré d’Aimé Césaire. Sur scène, 28 écrans montrent 300 visages de jeunes de cité qui font peur à la France, sur fond d’extraits sonores remontant jusqu’aux années 50, journaux télé ou radio empreints d’une incompréhension de la banlieue et de ses codes. Tandis que le public contemple cette œuvre, un jeune-homme dont on voit la photo fait irruption sur scène et proteste. Il est aussitôt intercepté par des agents de sécurité qui le laissent pour mort sur la dalle, tel un nouveau « Dormeur du val », seul rapport direct avec l’œuvre de Rimbaud.

C’est le fil de sa rêverie que montre le spectacle, en mêlant aux paroles des jeunes comédiens amateurs les réminiscences de l’auteur Ahmed Madani, né en Algérie, qui place son travail théâtral au cœur de Mantes-la-Jolie où il est arrivé à 7 ans. Illumination(s) s’articule sur trois générations, trois hommes qui s’appellent Lakhdar, vert en arabe, le symbole de l’espoir : un combattant torturé en Algérie par des soldats français qui entonnent des chansons paillardes, un jeune père qui travaille à bâtir la France pour nourrir sa famille au bled, le troisième enfin, gisant au sol, entre la vie et la mort. Lui appartient à cette génération qui subit tous les jours les contrôles de ceux qu’on appelait jadis les gardiens de la paix, aujourd’hui les forces de l’ordre. « Au quartier nous sommes des forces d’insécurité, ici nous sommes les forces de sécurité. Nous sommes là pour vous protéger de nous-même », dit un comédien, résumant le paradoxe de cette troisième génération.

Tous présents sur scène, souvent statiques, regroupés, ces comédiens semi-professionnels ou amateurs issus du Val-Fourré délivrent une performance rigoureuse qui insiste sur la voix, parfois soutenue de riffs de guitare électriques joués live, les chants a capella, mais aussi la danse, dans ces passages de mashed potatoe. Il y a des moments poignants comme cette séquence de « Je me souviens », hommage à Perec, où se reconstitue le quotidien ingrat d’un père de famille laborieux, ou cette image de jets de pierres contre la police sur une musique saturée. L’ensemble est certes un peu décousu ou déstructuré, mais peut-être est-ce le risque d’une performance poétique polymorphe et éclatée, où des scènes très lointaines côtoient des morceaux de quotidien.

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