Je suis drôle de Fabrice Melquiot

Aux côtés de Wajdi Mouawad ou Joël Pommerat, Fabrice Melquiot fait partie de cette génération d’auteurs qui renouvelle le théâtre contemporain. On découvre avec plaisir cette courte pièce à la fois drôle et touchante, créée pour la comédienne Claude Perron dans la mise en scène de Paul Desveaux, et dont l’écriture libre, alerte, oscille entre lyrisme et ironie.

Une mère étouffante, hystérique et dépressive, raconte sa vie de comique de seconde zone. Elle monologue aux côtés de son fils mutique, un ado bien joué par Solal Forte qui ne décroche pas un mot de la pièce, si ce n’est quelques borborygmes assez expressifs. A 40 ans, jouer seule pour des maisons de retraite de la banlieue lyonnaise est pour le moins déprimant. Alors Cathy Moulin prépare avec son fils un voyage aux Galapagos, histoire de changer d’air et de voir les tortues se reproduire à l’autre bout du monde… Craignant l’escale colombienne, elle se roule un pétard, prend son fils dans ses bras, tout en l’accablant d’un mélange de reproches et de vues existentielles. Bref, elle le tient prisonnier d’une relation inextricablement incestueuse…

Fabrice Melquiot s’amuse de la folie de cette mère au monologue débridé, qui se prend pour un personnage de Sophocle en filant jusqu’au ridicule des métaphores mythologiques. Dans l’esprit de Cathy Moulin, on passe sans transition d’un registre à l’autre – comique, ordurier ou lyrique lorsqu’elle redécouvre le monde d’un œil émerveillé au matin d’une nuit sensuelle. Au service de ce texte subtil, Paul Desveaux signe une mise en scène économe de moyens, où chaque scène se met en place sans artifice, avec une espèce d’évidence. Enfin, Claude Perron est impressionnante, qu’elle joue l’ivresse émoustillée lors d’un dîner amoureux ou la maniaco-dépressive qui, entre deux crises, nous livre ses réflexions sur le rire actuel qui ne « renverse plus personne » ou l’espace qui l’enclot « entre Saint-Priest et Vénissieux », loin de l’immensité des déserts et des océans. On regrette seulement un retournement final un peu appuyé…

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.