Joris Mathieu – Hikikomori, Le refuge

La Grande Halle accueille souvent des performances novatrices venues d’ailleurs, comme ce théâtre d’horreur néerlandais ou ce happening totalitaire catalan. Ici c’est le dispositif narratif qui fait l’originalité de cette création où Joris Mathieu s’empare d’un problème prégnant dans la société japonaise, l’isolement d’adolescents qui finissent par mener des vies parallèles dans leur chambre : le hikikomori (littéralement, repli sur soi). On vous tend un casque (un dispositif sonore à la mode) et vous avez le choix d’entendre le monologue intérieur du père, de la mère ou du fils – et donc de voir la pièce à travers le point de vue de chacun de ces personnages. Ainsi les spectateurs interprètent différemment le jeu à minima des trois comédiens qui évoluent sur scène dans une esthétique rappelant le théâtre filmé de Cyril Teste.

Le père et la mère occupent chacun un coin de la scène qui figure un salon épuré. La mère tente de communiquer avec le fils, campée derrière sa porte, pour se ruer à sa rencontre dès qu’il rend son plateau repas ou son linge sale. Assis à l’autre bout, le père est occupé à façonner des figurines en bois, comme un grand enfant. L’ado, à la voix grave et au propos étrangement bien construit pour un collégien, est d’abord invisible, reclus dans sa chambre, jusqu’à ce qu’il se forge un mythe animiste qui le métamorphose – on le voit alors apparaître, enfin.

L’ambiance sonore et visuelle immersive est très réussie. Une musique d’ambiance électronique, semée de bips récurrents, inonde la salle et les casques, des effets visuels sont projetés sur scène… Mais on reste un peu étranger à cette pièce courte qui se joue loin de nous, à l’inverse de l’expérience narrative intériorisée de First Life, où vous évoluez dans un décor semé de vrais personnages dont les paroles résonnent dans vos oreilles ou bien du spectacle de rue Cinérama de Opéra Pagaï. Ici, les silences se succèdent et traduisent la faible intensité du spectacle, qui se fige dans une forme un peu vide.

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