Karim Duval – Melting pot

En ces temps de parano collective, où la France menace de se diviser entre islamophobie et islamisme, Karim Duval incarne un métissage serein et apaisant. Ses origines sont presqu’aussi éclectiques que celles de Noman Hosni : il est franco-sino marocain. Après avoir passé la première moitié de sa vie à Fès, le bac en poche il monte à Paris pour faire math sup / math spé puis l’École Centrale, avant de devenir ingénieur à Sofia Antipolis. Jusqu’à, finalement, quitter cette vie bien rangée pour la scène. Fini de se cacher derrière le paravent de son écran, adieu à ces journées kafkaïennes qui consistent en réunions, rapports et mails, pour finalement « écrire le rapport sur la réunion concernant le mail ». Cette prise de conscience lui vient un jour devant la glace, quand le lascar qui habite la « banlieue de [lui]-même » l’interpelle pour réveiller ses désirs profonds.

Rien n’est absolument génial ou hilarant dans ce spectacle pensé de bout en bout, mais l’écriture est fine, élégante, maîtrisée. Sans créer de longueurs, Karim Duval trouve toujours un angle intelligent pour aborder un sujet. Ainsi cette session management où il s’adresse aux vendeurs de roses indiens comme à une équipe de traders aguerris, ou la description de l’immigration clandestine comme un parcours de triathlon par son oncle marocain qui a fait sport études (deux heures de marche quotidienne dans la montagne, enfant, pour aller à l’école).

La vision est décalée, à la fois grave et légère. Les phases de confession stand-up alternent avec des personnages bien incarnés, faciès grimaçants à souhait, comme ce prof de solfège au regard de psychopathe qui fait l’apologie d’une chanson muette de 4 minutes 33, référence implicite au morceau de John Cage – une façon de se moquer d’une démarche artistique difficilement intelligible, propre à alimenter toutes les critiques d’art « comptant pour rien ».

Retrouvant son ouverture d’esprit teintée de cosmopolitisme, le comédien polyglotte compare les onomatopées traduisant le cri du chien ou du coq selon les pays, se moque des inscriptions sur les T shirt à l’effigie des universités américaines et fait une blague en chinois, en insistant sur les accent toniques (peut-être une première dans un one-man-show!).

C’est léger et subtil, à l’image de ce poème slamé qu’il conclue ainsi, en démarquant Le Dormeur du Val de Rimbaud  : « Il a un nez rouge malgré son côté droit ».

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