Le Mariage Forcé de Molière, mise en scène Jean-Denis Monory

En 1661, Molière et Lully inventent le genre de la comédie-ballet, qui mêle la musique et la danse autour d’une action réduite à l’essentiel, souvent un mariage. Sans déroger à cette règle, Le Mariage forcé, courte pièce écrite en 1664 pour donner à Louis XIV l’occasion de danser, comporte peu d’indications scéniques. C’est donc un vrai travail de mise en perspective que celui de Jean-Denis Monory, qui rend les jeux de scènes et l’atmosphère de l’époque avec une évidence épatante pour le spectateur d’aujourd’hui.

A l’instar de Benjamin Lazar, ce dernier s’est spécialisé dans le jeu baroque, avec costumes d’époque, scène éclairée aux chandelles et diction respectant la phonétique du français d’alors, assez proche de l’accent gascon ou québecois. Les syllabes sont longues et appuyées, toutes les lettres sont prononcées, y compris les finales. Les comédiens sont éclairés par des dizaines de bougies disposées sur le devant de la scène mais invisibles aux spectateurs, et par d’autres suspendues à des lustres qui les masquent.

Pour écrire cette comédie, Molière se serait inspiré d’un épisode tiré de Rabelais. Le vieux Sganarelle prévoit de se marier à une jeune femme et se rend compte qu’elle a un amant. Il hésite, consulte un ami, des bohémiennes, un magicien et deux philosophes aux propos abscons. L’un, disciple d’Aristote, se perd dans des subtilités rhétoriques et l’autre, de Pyrrhon, refuse d’affirmer la moindre opinion, ce qui accentue encore son indécision et l’hilarité du public.

Le résultat est paradoxalement moderne, très moderne : les comédiens jouent face au public et se répondent lors de jeux de scènes visuels et comiques. Maquillés à outrance, ils se déplacent à tout petits pas, font des lazzis et ponctuent les fins de mots d’un geste signifiant, comme en formant de leurs doigts deux anneaux imbriqués qui désignent le mariage. Ce folklore gestuel peut évoquer, dans un tout autre registre, les signes de gang dont se nourrissent les rappeurs dans leurs clips.

Et puis il y a sur scène un clavecin, une viole de gambe et un traverso, cette flûte traversière baroque, réunis sous la direction musicale d’Estefania Casanovas i Villar. Sans oublier un excellent baryton… Seule la danse est un peu laissée de côté, dans cette mise en scène par ailleurs éblouissante.

 

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