Têtes de lard, de Bernard Fructus

D’habitude, ce sont des comédies à la bonne franquette que nous réserve le Café de la Gare, tenu par la famille Manesse. Ici, le plus jeune fils, Thimothée, porte la pièce en jouant juste d’un bout à l’autre. Il est accompagné de figures familières du lieu, Loïc Legendre et Morgane Bontemps vus en 2004 au Mélo d’Amélie dans J’aime beaucoup ce que vous faites (qui cumule aujourd’hui plus d’un million de spectateurs !) et aussi, pour le premier, dans Amours et Chipolatas et Aphone. Plus récemment intégrée à la troupe, Carole Massana complète le casting. Si la pièce de Bernard Fructus est présentée comme une « comédie pas commode », on dirait plutôt une comédie dramatique, voire un huis-clos déprimant.

Voici ici une histoire sombre, à retournement. Le cadre est une boucherie de province, tenue par une mère autoritaire et ses deux enfants trentenaires, un fils alcoolique et une fille paumée qui couche avec un homme marié. Le fils vient d’acheter à bon prix un cochon âgé et surdimensionné – 412 kilos ! -, qu’il s’apprête à tuer pour en tirer un gros bénéfice en salaisons. Cet animal en sursis, au seuil de la mort, restera visible sur scène du début à la fin, pour installer un malaise dans la salle en suggérant la violence larvée des rapports familiaux. Au-delà de cette présence porcine surgit un autre élément perturbateur : un pote d’enfance, un frère presque, qui revient de la capitale plus de dix ans après avoir tenté une carrière avortée dans le cinéma. Petit à petit, il fait trembler les fondements de cette famille, en dévoilant ses secrets douloureux.

La pièce, bien qu’en rodage, est jouée avec assurance par des acteurs qui en rendent bien l’atmosphère trouble, dans une alternance de saillies enlevées et de moments graves, parfois très émouvants. Peut-être crient-ils un peu trop continuellement, à la façon caricaturale des drames du cinéma français. Carole Massana n’en rajoute-t-elle pas en mère hystérique ? Loïc Legendre a ce défaut d’élocution typiquement théâtral, une voix perçante, aiguë, qui lui fait prononcer le « s » comme des « ch ». Mention spéciale au cochon Raoul, qui grogne et respire fort durant plus d’une heure et demie, fascinante masse rose au groin immense et à la peau tendue.

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