Yassine Belattar – Ingérable

Dans le milieu humoristique actuel, Yassine Belattar se veut un sniper « ingérable ». Il se plaît à incarner le caillou dans la chaussure de la bien-pensance et prétend être le seul comique à s’en prendre à toutes les communautés – bobos, cailleras, musulmans, noirs, blancs, politiques, journalistes, etc. Celui qui combat le système médiatique et qu’on refuse d’inviter à la télé, comme, dans un genre plus convaincant, Wally, a quand même une solide expérience des médias, qu’il s’agisse de la radio ou de la télé dont il a gardé quelques tics.

Toujours est-il qu’il tient la scène avec un savoir-faire singulier en se distinguant de certains de ses collègues de la première génération du Jamel comedy Club issue de Barres de Rires, ce regroupement d’humoristes cueillis sur un plateau par Jamel. Belattar ne propose aucune chronique de la vie quotidienne. Coluche et Devos en parrains revendiqués, il fait dans l’analyse politico-sociale énervée en appuyant, comme un thérapeute, là où fait mal. Avec un nouveau créneau depuis le 13 novembre 2015, dont il a appris la nouvelle alors qu’il était sur scène : être le comique qui parle des attentats, un terrain glissant sur lequel se risque aussi Mathieu Madenian, au hasard.

Belattar verse dans un humour intelligent et informé, soucieux d’épingler le non sens d’expressions journalistiques lorsqu’il se demande, comme David Azencot, ce que signifie un musulman modéré : quelqu’un qui fait deux prières et demie par jour ? Fier de faire entrer le stand-up au théâtre de l’Atelier, il enchaîne durant deux heures dix les vannes et les réflexions dérisoires ou sérieuses, en obligeant parfois les spectateurs à applaudir pour condamner ou acclamer ce qu’il estime être injuste ou honorable.

Car l’humoriste a beau dénoncer le milieu médiatique et les émissions d’Arthur, il ne cesse de forcer les spectateurs à applaudir comme sur les plateaux télés, quand il ne les interpelle pas avec une spontanéité affûtée. Il y a un côté homme politique chez Belattar, bien qu’il s’en défende, comme en témoigne l’intensité du passage consacré à son entretien avec le maire des Mureaux, d’ailleurs très drôle.

Il évoque, à la suite de Mustapha El Atrassi, la violence des pères maghrébins et cette éducation impossible à confier à un psy, imagine la construction des grands ensembles, tacle les habitudes alimentaires de ses voisins montmartrois ou la débilité des djihadistes français. Au passage, il ne cache pas son inimitié pour les bobos de gauche ou, pire, les mélenchonistes, et avoue être centriste, si ce n’est à droite, lui le pote d’Hollande et Macron.

Si Yassine Belattar s’autoproclame un peu vite voix du ghetto, vue son expérience dans la matinale de Générations, la radio hip hop d’Île-de-France (cf. cet article de The Source), comment pourrait-on lui en vouloir d’être aussi sûr de lui ? Il est la moitié narcissique du duo formé depuis ses débuts avec Thomas Barbazan, rencontré en 2003 à Générations justement, qui le met en scène aujourd’hui.

Dans une très courte première partie, on découvre Nacer Zorgani, dit l’Handicapable. Soit cinq minutes de vannes balancées d’une voix grave et très véloce, bouffant des syllabes, par le seul humoriste aveugle du circuit. Il évoque des bribes de sa vie et son cumul de handicaps puisqu’il est à la fois aveugle et arabe. Mais pas noir et juif, comme Sammy Davis Junior

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