La Chienlit, épisode 3 : L’imagination au pouvoir

  • Ecrit et mis en scène par Alexandre Markoff. Avec André Antébi, Jacques Bourgaux, Jérémy Buis, Juliette Chaignaux, Léonor Chaix, Ivan Cori, Sébastien Delpy, Nicolas Di Mambro, Matthieu Fayette, Sophie de Furst, Sylvain Tempier, Aline Vaudan.
  • Spectacle vu le 1 février 2016 à

Le troisième des cinq épisodes de la Chienlit, du Grand Colossal Théâtre, offre 1h20 de pur plaisir. Surprise, les deux premiers tiers de la pièce ne semblent pas avoir de rapport avec ce qu’on connaît de l’histoire : une ville livrée à l’abandon par ses éboueurs en grève, un maire qui essaie de rattraper la situation sur fond d’élections municipales, des riverains qui s’organisent en collectifs pour régler leurs soucis quotidiens. Au contraire, on pénètre la vie d’un personnage dont on se rendra compte, à la fin, qu’il est un des acteurs du feuilleton. De son enfance à son adhésion au collectif d’éboueurs, il est mis en marge, incompris, raillé, frappé par ses camarades. Lui vit reclus dans le jardin de la maison de sa mère qui va mourir de tristesse, cette maison occupée par cette coach qu’on découvre au début de l’épisode animant un groupe de paroles.

Oui, la force de ce numéro, c’est de retranscrire d’une façon étonnamment réaliste l’atmosphère des thérapies de groupe qui surfent sur l’empathie de leurs participants : – Qu’est-ce que ça te fait d’entendre tout ça ? – Ça me fait du bien. – C’est intéressant ! La coach qui semble si belle, sympathique et brillante se révèle une manipulatrice machiavélique. Sûre de sa bonne conscience, elle fait interner le jeune ado qu’elle accuse d’être violent, le rendant coupable de chaque situation où il se retrouve.

Les dialogues, fluides, rebondissent et s’entrechoquent dans la veine de la pièce courte vue au Ciné 13. Il y a aussi des mises en abîmes quand les comédiens tombent sur le texte de la pièce qu’ils déchiffrent ligne à ligne (ça aurait pu être cliché mais c’est bien vu, bien joué). Comme toujours, toutes les possibilités du jeu théâtral sont exploitées, sans décors ni costumes, avec des voix démultipliées, un narrateur qui suit les acteurs, illustrant leurs paroles de bruits ou de précisions didascaliques, à moins que l’acteur lui-même ne devienne le narrateur. L’originalité de la mise en scène ne dessert jamais l’efficacité du propos.

Après avoir focalisé sur le parcours d’un seul personnage, la pièce retrouve l’élan de cette fresque urbaine d’aujourd’hui, pénétrant cette fois le quotidien des éboueurs, leurs tournées, la routine, les bruits et les odeurs, la répétition des gestes, bref, une facette du réel presque jamais montrée au théâtre.

Toujours aussi addictif, ce feuilleton théâtral continue à nous emmener où il veut, par sa seule puissance narrative et sa mise en scène astucieuse, sans même qu’on se rendre compte que les comédiens se changent sous nos yeux…

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