Célébration d’Harold Pinter au théâtre de Belleville

Le théâtre de Pinter n’est pas aujourd’hui le plus moderne qui soit. Certes, l’écrivain et dramaturge britannique, prix Nobel de littérature en 2005, est une figure marquante du théâtre contemporain et le type même de l’intellectuel engagé, en particulier contre la guerre d’Irak, comme en témoigne son remarquable discours de réception au Nobelà lire ici. Mais lorsqu’on le découvre mis en scène au théâtre de Belleville à la façon d’un spectacle de fin d’année par Jules Audry, qui dirige ici les élèves de l’école des Enfants terribles, on a le sentiment d’un théâtre un peu convenu, aux effets désuets, qui tourne à vide.

Plusieurs styles caractérisent l’écriture d’Harold Pinter, scénariste de The Servant et auteur de L’Amant : absurde, réaliste, lyrique, politique… On pourrait dire que Célébration, bien qu’écrit en 1999 à la fin de sa carrière, correspond à la période absurde des années 50, même si les personnages sont nos contemporains. Deux couples se retrouvent dans un restaurant chic d’une capitale européenne pour célébrer un anniversaire de mariage, les deux maris – qui sont frères – sont de cyniques « conseillers en stratégie » chargés de maintenir la paix dans le monde pour s’en accaparer le pétrole, les deux épouses – qui sont sœurs – sont engagées dans l’humanitaire. Un autre couple qui dîne à côté, formé d’une institutrice et d’un banquier, se rapproche d’eux, tandis que les gérants du restaurant écoutent obséquieusement leurs réparties vulgaires. Seul un serveur loufoque se livre à des monologues absurdes qui arrivent toujours comme un cheveu sur la soupe

Le metteur en scène Jules Audry a choisi un amour de jeunesse, Pinter, pour monter cette pièce dont il souligne davantage encore la dimension absurde, par l’écart entre les situations et les dialogues, entre les mots et ce qui est joué sur scène. Le choix d’une musique de variété italienne, à l’image de Paolo Conte, et le parti pris d’un jeu distancié accusent encore cette dramaturgie. Et l’on pense à la modernité datée d’un Ionesco. Malgré le jeu précis et vivant des comédiens, au service d’un expressionnisme en décalage permanent, on a l’impression que cette histoire ne mène nulle part.

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