Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable

Hervé Le Tellier est l’un des auteurs les plus drôles de L’Oulipo, l’Ouvroir de Littérature Potentielle, groupe d’écrivains fondé par Raymond Queneau et le mathématicien François Le Lionnais, qui cherche à inventer des contraintes pour produire des œuvres. Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable repose sur la figure de l’anaphore qui rappelle le célèbre Je me souviens de Georges Perec : l’auteur répond à la question récurrente « A quoi tu penses ? » par une série d’aphorismes à l’image du titre.

Dans l’adaptation théâtrale de Frédéric Cherboeuf, un homme et une femme se retrouvent dans une baignoire, sur fond de chansons françaises nostalgiques. Isabelle Cagnat répète, tout au long de la pièce et sur tous les tons possibles, la même question, tandis qu’Étienne Coquereau répond, avec une diction un peu snob, par les réflexions rigolotes ou philosophiques qui lui passent par la tête, évoquant ses conquêtes, son obsession pour le sexe, son goût de la langue… Lui est parfois agacé par les interrogations en rafale de sa partenaire, elle semble s’extasier devant les mots d’esprit qu’il distille.

Avec un brin de misogynie et des poses parfois affectées (comme le penseur de Rodin), la mise en scène joue sur la déification de l’écrivain. C’est spirituel, on sourit souvent, parfois on rit, mais l’adaptation à la scène de ce procédé répétitif peut finir par lasser. Puis l’originalité de certaines sentences finit par l’emporter : « Je pense que tous les champignons sont comestibles, certains une fois seulement », ou celle-là, surtout  : « Je pense que pas mal de ceux qui sont fiers de s’être faits tout seul auraient mieux fait de demander de l’aide ».

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