Scorpène – Réalite non ordinaire

Un Scorpène est un poisson effrayant, en forme de crapaud ou de chauve-souris, une rascasse. Scorpène est aussi le nom d’un vidéaste et magicien inspiré par les Chants de Maldoror de Lautréamont, lequel y fait en effet mention de « scorpène-horrible ». Dans son premier show de magie mentale, cet ancien joueur d’échec crée une ambiance pesante, fuligineuse, mystique, pour étourdir le public et le rendre réceptif à son alchimie du verbe et de l’image… D’emblée, il souligne la troublante similitude entre les anagrammes « image » et « magie ».

Comme souvent chez les magiciens actuels, en particulier Éric Antoine, il s’agit de réfléchir à notre perception de la réalité. Celle-ci n’est qu’une « vue de l’esprit », explique Scorpène d’un ton posé et très didactique, de même qu’il vulgarise avec talent les mystères de la physique quantique. L’objet du mentalisme, dont Roberto Strizzi offrait une belle incarnation, est simple : détourner l’attention du public vers un ailleurs surnaturel, pour lui faire passer des trucs assez gros, habilement masqués par diversion (enveloppe dont le contenu est modifié au dernier moment, langage de sons et lumières codés pour découvrir la carte choisie par une spectatrice…). Certaines choses semblent plus surprenantes, et on se prend à douter de la présence d’un complice.

S’il crée une atmosphère tamisée propice à la fascination, les tours de Scorpène ne sont pas exceptionnels, les supposées transmissions de pensée notamment. Et ce n’est qu’une fois révélé le message auquel pensait le spectateur qu’on retrouve celui-ci écrit sur une feuille… Il faut presque un quart d’heure au mentaliste pour retrouver un prénom écrit sur un carnet, mais entre temps il aura chatouillé le bras d’une femme sans qu’elle s’en aperçoive (comme Éric Antoine). Bon, peut-être est-il vain de chercher le dessous des cartes au lieu de se laisser porter… Et Scorpène sait s’y prendre pour, aidé d’une musique jazzy envoûtante et d’éclairages parfaitement dosés, créer une atmosphère à la David Lynch, qu’on retrouve aussi dans ses étonnants courts métrages

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