Le porteur d’histoire d’Alexis Michalik

Faire vivre aux spectateurs des histoires et l’Histoire articulées en un seul récit, voilà le projet d’Alexis Michalik… Reconsidérer l’Histoire, non comme un ensemble monolithique, arrêté une fois pour toutes, mais comme une chose vivante en constante réécriture. Car la version officielle, quand ce n’est pas celle des vainqueurs, est tributaire d’une époque, de ses codes, des sources d’information disponibles. L’Histoire est écrite par des hommes, tout comme ces histoires qu’on raconte aux enfants. Il s’agit donc de mêler la petite histoire à la grande, dans un récit d’aventures historiques, de réécrire l’histoire jusqu’à la réinventer, jusqu’à ce que s’efface la limite entre la réalité et la fiction.

Sur la scène nue, cinq comédiens racontent donc des histoires. Avec pour seules armes la puissance de la narration, des costumes et du jeu. Petit à petit s’esquisse une fresque historique façon Sue ou Dumas, qui intervient d’ailleurs dans la pièce au côtés de Delacroix, en 1830, à la veille des Révolutions européennes. Mais surtout, bien qu’il n’y soit pas fait référence, c’est au roman picaresque qu’on pense, de Don Quichotte à Jacques le Fataliste en passant par Scarron  : un road trip semé de discussions qui font naître des récits enchâssés, des aventures, du mouvement… Le spectateur est embarqué entre les lieux et les époques, de l’Algérie aux Ardennes, de la Grèce antique au Quebec, du Vatican à l’édification du Palais des Papes. Le mystère est omniprésent, qu’il s’agisse d’une lignée d’alchimistes maudits, les Saxe de Bourville, ou de cette civilisation matriarcale originelle, Les Lysistrates, inspirée d’un personnage d’Aristophane. Tout se mêle dans un vertige narratif qui se régénère à l’infini, comme par division cellulaire.

Finalement se déroule sous nos yeux ébahis une chasse au trésor et aux civilisations perdues, jouée par d’excellents comédiens qui possèdent les codes des séries américaines et du théâtre classique, avec un jeu et une élocution précise pour parler en berbère ou avec l’accent québécois. On passe d’une époque à l’autre, parce que les acteurs savent passer d’un registre à l’autre. Ruptures, récits enchâssés mais aussi alternés, les repères se télescopent pour le vertige du spectateur qui risquerait de s’y perdre, si le suspens ne maintenait son attention éveillée du début à la fin.

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