Aurélien Di Sanzo, LIBERTÉ

    Litige. Mon âme et mon corps entrent en profond désaccord. Le premier, informe, peut se plier à l’ordre établi mais le second, n’est pas prêt de céder, sous aucun prétexte et à aucune forme de Soumissioni. Ou est-ce l’inverse ? Lutte perpétuelle interne qui sème le chaos et provoque La confusion des sentimentsii.

    Isolation. L’accepter, serait renoncer à mes droits fondamentaux, plier l’échine. Si l’homme est un animal socialiii, pourquoi devrais-je me satisfaire de la seule présence de mère Solitude, doyenne des maux de notre société ? Je me lève et m’élève Sur les cimes du désespoiriv.

    Bâillonnement. Pour avoir bravé les interdits, érigé La désobéissance civilev comme arme symbolique de ma rébellion, on a étouffé ma soif de liberté. Compressé entre quatre murs, aura-t-elle assez de souffle pour conserver sa définition ? La promesse de l’aubevi nous le dira.

    Emprisonnement. L’espace manque, mon corps étouffe mais ne suis-je pas Le malade imaginairevii, emprisonné par sa conscience viii ? Jouir de l’absence, se moquer de la vacuité, les envoyer valser main dans la main dans l’obscur fossé de la réalité, voilà la clé de ma Métamorphoseix.

    Refuges. J’ai abusé des Paradis artificielsx pour lutter contre Les Fleurs du malxi. Ils m’ont fait voguer Vingt mille lieues sous les mersxii, fouler des prairies plus vertes, rêver d’un temps dissolu et absolu, de journées sans nuit. A la recherche du temps perduxiii, j’ai finalement ressenti sur ma peau la caresse inespérée d’un soleil de fin de journée.

    Tragédie. Le recul apporte la lucidité pour affronter le mot qui résume le mieux ce qui nous est arrivé. Entre stupeur et tremblementsxiv, il faut faire le deuil, non pas de ce confinement mais de ces âmes qui appartiennent à un autre temps. On parlera désormais du Monde d’hierxv.

    Enrichissement. Fin de partiexvi. Après cent ans de solitudexvii, que reste-t-il ? Les souvenirs indélébiles de La pestexviii. Mais aussi les innombrables Rêveries d’un promeneur solitairexix que je fus. Et c’est peut-être ça, La leçonxx à retenir, La solitude, si sciemment utilisée, est un compagnon de fortune qui ne cesse de nous faire progresser Sur la routexxi étroite de la vie.

    i Soumission, Michel Houellebecq

    ii La confusion des sentiments, Stefan Zweig

    iii Aristote

    iv Sur les cimes du désespoir, Emil Cioran

    v La désobéissance civile, Henry David Thoreau

    vi La promesse de l’aube, Romain Gary

    vii La malade imaginaire, Molière

    viii Ralph Waldo Emerson

    ix La Métamorphose, Franz Kafka

    x Paradis artificiels, Charles Baudelaire

    xi Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire

    xii Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne

    xiii A la recherche du temps perdu, Marcel Proust

    xiv Stupeur et tremblements, Amélie Nothomb

    xv Le Monde d’hier, Stefan Zweig

    xvi Fin de partie, Samuel Beckett

    xvii Cent ans de solitude, Gabriel García Márquez

    xviii La peste, Albert Camus

    xix Rêveries d’un promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau

    xx La leçon, Eugène Ionesco

    xxi Sur la route, Jack Kerouac

    * * *

    Ce texte fait partie des 29 poèmes reçus mercredi 25 mars 2020, lors de la première scène confinée du Chat Noir. Retrouvez les autres dans le compte-rendu de cette restitution virtuelle.

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