Slameur par hasard, un spectacle de Tsu MC

Tsu MC est une des figures du slam en France, ce mouvement né en 1986 à Chicago à l’initiative de Marc Smith qui souhaitait revivifier les cercles de déclamation poétique. Il a fait partie de la première vague de slameurs à se réunir dans les bars de la capitale au tout début des années 2000 et a collaboré avec Pilote le Hot avant de créer ses propres soirées, signant une des premières scissions de l’histoire du slam français. Depuis 2002, il propose des scènes ouvertes et des ateliers d’écriture slam-poésie dans différents lieux, aussi bien en Ile-de-France que dans le monde entier.

Fort de ces expériences d’organisation de scènes, de conférences et de concerts, il vient de sortir son premier livre, Slameur par hasard, qu’il donne à voir sur scène en duo avec le violoncelliste Adrien Frasse-Sombet. Rendez-vous est donné à quelques invités pour sa première représentation, par un dimanche ensoleillé précédant de peu la fin du 3e confinement, à la Rare Gallery du sémillant Wilson Claude Balda – qui les a fait se rencontrer lors de son émission Avant-garde sur Youtube. Il peut caser une bonne trentaine de personnes sur les chaises de sa galerie.

Si le spectacle de slam-poésie est une forme assez casse-gueule, comme on a pu le voir ici ou -, ce projet est court et bien construit. Plutôt que de faire une déclamation en musique, au risque de créer une saturation sonore, les poèmes a capela suivent les interprétations au violoncelle. Tsu MC déclame des poésies d’auteurs célèbres, à commencer par ce texte extraordinaire de Pessoa, Bureau de tabac, qui ouvre le spectacle. Il y a aussi du Jean-Baptiste Clément, chansonnier communard, une épitaphe de François Villon et un poème peu connu de Baudelaire, intercalés entre ses propres titres consacrés à la dépression, aux amis, amantes, à la place Édith Piaf où il vit dans le 20e arrondissement.

Tsu MC oscille entre des exercices de style allitératifs bien sentis, typiques des scènes slam (à la façon par exemple de Victor Zarka), avec des textes sur la liberté, l’anarchie, la vie de poète. Parfois, son écriture dit très précisément la psychologie humaine et la vibration de l’âme. Le texte sur la femme parfaite est déclamé par l’excellente Violaine Magnat, qui avait suivi les ateliers de Tsu MC et dont l’interprétation dépasse celle du maître. Et lorsque Tsu s’accompagne au métronome, ça passe mieux que sa percussion corporelle sur un titre de Gainsbourg.

La partition d’Adrien Frasse-Sombet comporte des œuvres bien connues de Bach, Saint-Saëns, Massenet, ainsi qu’une pièce pour violoncelle solo que Thierry Machuel a composée spécialement à son attention. Le jeu du violoncelliste est expressif en diable. Il s’abandonne à son interprétation, tremblant, extatique, emporté dans une vibration de tout le corps, qui contraste avec le jeu en retenue de Tsu MC, patientant sobrement sur sa chaise, comme entré en lui-même, quand c’est le tour du musicien. L’ensemble est rythmé, alternant idéalement texte et musique, sans qu’on ne voie le temps passer.

Prochaine date:
Le 6 juin à 16h à la Rare Gallery
17 rue François Miron Paris 4e

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