Kyan Khojandi dans Pulsions, co-écrit par Navo

Qui a pu passer à côté du succès de la série Bref, où sur un mode narratif pressé à la Fight Club, Kyan Khojandi raconte un aspect de sa vie en un peu plus d’une minute ? Phénomène nouveau, percutant, contemporain, qui évoque la vie quotidienne des trentenaires urbains avec une fidélité rarement vue à la télé… On retrouve cet effet de réel dans ce deuxième one-man-show, agrémenté d’une empathie extraordinaire et de réflexions quasi-psychanalytiques. On est loin de l’art de la punchline en rafales auquel se livre son pote Kheiron, dont il faisait la première partie en 2011 aux Dix heures, après avoir joué un premier one-man en 2008 et 2009 « à guichets ouverts » au théâtre Montmartre Galabru. Huit ans après, il fait salle comble à l’Européen !

Les pulsions sont, selon le comédien, ces choses qu’on enferme dans de petites boites et qui resurgissent d’un coup en nous explosant au visage. Il y en a plusieurs sortes : sexuelle, alimentaire, amoureuse. La première lui offre un long développement sur la masturbation, sujet qu’il aborde d’autant plus frontalement qu’il reste encore largement tabou. Et pourtant, c’est grâce à cette pratique honteuse mais quotidienne que son couple a tenu.

Pendant une heure vingt, le showman, qui analysait dans son premier stand-up les techniques des films ricains, à l’image de ce qu’il appelle le « doublé-chuchoté », et dont les talents apparaissaient aussi dans une chronique télé, le festival de Kyan, livre ici une confession personnelle, servie par un art maîtrisé du storytelling. Les séquences sont bien posées, en rythme, et se dénouent toutes sur une conclusion réflexive, sans chercher le rire à outrance, comme lorsqu’il évoque la mort de son père ou cette première relation à distance avec une fille qui le faisait courir en l’exposant aux montagnes russes des sentiments.

Kyan imagine ce que pensent les spectateurs, se voit en père expliquant à son fils l’intérêt d’observer les comportements des gens (dont il dresse un inventaire drôle et poétique), s’imagine durant ses 25 dernières secondes à vivre. Sans jamais gommer ses faiblesses, avec une humilité étonnante pour une star, n’évoquant sa célébrité que par l’expression que les gens lui renvoient, « le mec de Bref », il considère les spectateurs comme s’ils étaient uniques, chacun, avec le talent d’un homme politique ricain. Bref, Kyan Khojandi capte des moments de vie et les retranscrit au naturel, sans jamais s’interdire de péter les plombs quand l’assaillent ses pulsions !

En première partie, le coauteur du spectacle, Navo, fait tout pour se faire haïr du public, au point presque d’y parvenir. Il répète deux ou trois fois les mêmes phrases, joue de l’habituelle affirmation selon laquelle les spectateurs – qu’il insulte – ne sont rien face aux artistes qu’ils adulent (où l’antijeu au second degré navigue dans les eaux du 1er). Son pote Kyan ayant annoncé une intervention de six minutes, elle dure presque vingt-cinq, d’où l’exclamation d’un spectateur – « les six minutes sont passées ! » – qui le vexe et l’amène à faire durer les choses. Un bon exemple de stand-up sadomasochisme…

 

 

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