Bénureau – Avec des cochons

  • De Bénureau, D. Champetier, E. Bidaud, A. Gavard. Mise en scène Dominique Champetier. Avec les musiciens Dominique Greffier, Julie Darnal, Pascal Bétrémieux, Amaury Blanchard, Jeff Bourassin.
  • Spectacle vu le 20 mars 2016 à

Bénureau, qui s’est fait connaître au Petit théâtre de Boulevard en 1985, a un humour particulier, acide, acrimonieux. Et un public à l’ancienne, dans un beau théâtre de boulevard, le théâtre Antoine, qui appartient à Laurent Ruquier et Jean-Marc Dumontet. Dans ce nouveau spectacle, certains classiques trouvent une résonance particulière comme « Morales », la chanson dédiée à cette jeune chaire à canon sacrifiée pour la France, avec ces fins des phrases qu’il éructe du fond des tripes sur du rock joué live. Car Bénureau est ici accompagné d’un groupe énergique, les Cochons dans l’espace, et il saute partout, en sueur, en livrant une performance explosive.

On trouve de tout dans ce nouveau show, y compris une adresse au peuple grec : « Vous les Grecs vous n’avez rien compris, votre gouvernement est trop mal habillé, vos femmes sont trop belles », commence-t-il par envoyer à un parterre vieillissant et bien accompagné, avant de s’en prendre à une gauche européenne molle et modérée, « flottante », ou aux Américains forcément belliqueux et violents, dans deux chansons un peu faciles.

Là ou Bénureau est singulièrement fort, c’est quand il se lâche dans des sketchs sans queue ni tête, sans logique ni sens immédiat, comme cette incarnation d’un « Jean Coqueteau » d’opérette, avec houppette et snobisme de prononciation, qui nous emmène dans une traversée du Miroir à la Lewis Caroll, ou bien qu’il enfile une armure médiévale pour jouer au comédien grandiloquent en anglais shakespearien – c’est totalement absurde et le public adore… Idem quand, dans la peau d’un artiste raté, il s’offre une parenthèse fielleuse en évoquant « William, Jean-Ba et Vincent » (soit Shakespeare, Molière et Van Gogh), ses frères de génie qui le dégoûtent par leur facilité créatrice.

Bénureau est encore plus libre et virtuose que dans Indigne dont il reprend quelques sketchs, comme le chanteur de Fukushima ou le classique de la mamy désœuvrée qui martyrise sa fille et son beau-fils au téléphone en se faisant passer pour folle (sketch plus ancien encore).

La force de Bénureau, c’est la satire et la liberté totales qu’il déploie sur scène, pendant près de deux heures, dans une performance physique à tous égards, où se mêlent sueur et crachats. Sans oublier un talent d’interprétation exceptionnel qui saute aux yeux lorsqu’il passe en quelques secondes, grâce à une mimique et une posture, d’une retraitée fan de chirurgie esthétique au grognard chantant « Morales », fier comme un coq.

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