Blanche Gardin –  « Je parle toute seule »

Après seulement un an d’absence, Blanche revient avec un tout nouveau spectacle, une fois édité le texte du précédent. Quand certains humoristes jouent le même show pendant des années, elle se renouvelle sans rien perdre de son mordant. Blanche a l’intelligence vive et la plume acérée. Plus elle lit, plus celle qui se décrit comme une poète, une intello ou une homo refoulée fait fuir les hommes en les dominant intellectuellement. Ce qu’il lui faut, aujourd’hui, c’est un vieux philosophe chauve, oui, chauve, cette catégorie de personnes qu’elle croyait jusqu’alors ne pas faire partie de l’humanité.

Elle qui cite toujours Simone de Beauvoir – « toute pénétration est un viol » – ne recule devant aucun tabou, ni la sodomie qu’elle a subi sans broncher par un ex-copain qui lui disait, alors qu’elle le caressait de façon un peu mécanique, « Change d’endroit ça m’irrite la peau » , ni sa masturbation avec des coussins à mémoire de forme. Elle confie ses émois adolescents lesbiens, explique aux hommes ignorants qu’un ovule ressemble à un Schoko-Bon, évoque ces singes qui mettent le cylindre dans le rond mais aussi, quitte à forcer, dans l’étoile – parallèle très habilement suggéré… Sans omettre les sujets controversés, les migrants qu’elle envisage d’un point de vue romantico-pervers, fascinée par leurs corps musculeux contractés par l’effort, ou l’ambivalence de cette application permettant de nourrir des réfugiés depuis son canapé. Quant aux attentats du 13 novembre, ils ont signé, selon elle, « la mort du rock » – et elle imagine sa réaction si des terroristes surgissaient dans la salle.

Blanche n’a pas de mots assez forts pour décrire la monotonie du couple, ces filles qui nettoient leurs mecs comme des lampes dans le métro, ces mecs qui déplacent leur copines pour faciliter la circulation des voyageurs. On a beau être pour l’égalité hommes-femmes, impossible de l’appliquer au lit, suggère-t-elle en se rappelant cet Américain qui lui demande la permission de lui mettre une claque sur la fesse !

Sa rupture avec un connard égoïste avait motivé l’écriture du précédent spectacle, c’est sa vie solitaire qu’elle décrit maintenant, à deux doigts de ressembler à ces vielles celib’ portant des chaînes à leurs lunettes. « Il faut que je vous parle » était interdit au moins de seize ans, « Je parle toute seule » l’est au moins de 17… Un cran de plus dans le défi à la bienséance, une nouvelle pierre à cet édifice d’autofiction scénique ultra contemporaine.

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