Criminel de Yann Reuzeau à la Manufacture des Abbesses

Criminel : ce titre mystérieux et lapidaire est celui de la nouvelle pièce de Yann Reuzeau, le directeur de la Manufacture des Abbesses. Déjà auteur de Chute d’une nation et Mécanique instable, il continue de mettre en scène un théâtre inspiré, au jeu naturel, empreint de l’efficacité narrative des séries TV (bien qu’un peu moins que dans son feuilleton politique). Ça commence par un dialogue de couple où il est question d’un événement mystérieux, qui s’éclaire petit à petit, il s’agit d’une sortie de prison. Mais de qui ? Condamné pour avoir fait quoi ? Le mystère demeure longtemps au cours de la pièce qui dure presque deux heures. Car la réussite de cette écriture, c’est de ne dévoiler que très lentement, par indices successifs, l’objet, le nœud de toute cette histoire qu’on ne peut déflorer ici.

Néanmoins on peut dire ceci : qu’il s’agit d’une réflexion sur la société civile et l’univers pré ou post-carcéral, inspirée à l’auteur par les affaires Jacqueline Sauvage et Bertrand Cantat. Il est question des raisons de l’enfermement, des motivations qu’on peut avoir de témoigner pour ou contre quelqu’un, quitte à mentir – ou comment l’on projette l’ombre de sa propre vie sur celle des autres pour tenter de la comprendre, sans penser aux conséquences. Le tout baigne dans une foule de non dits et de promesses qui opacifient encore les relations entre les personnages.

Voici donc deux hommes et deux femmes qui se connaissent et dont les dialogues, toujours à deux, font avancer l’histoire. Ici, le rythme est plutôt lent, à tel point qu’au début ça peine à démarrer, puis une atmosphère particulière s’installe, petit à petit. Tous les acteurs jouent juste, surtout Morgan Perez qui tient le rôle clé, sur une partition habilement composée. La scène finale est particulièrement bien vue, servie par la précision de jeu des comédiens : au moyen d’un montage alterné très serré, on y découvre un couple discutant à quinze ans d’intervalle. A l’instar de cette scène, davantage de nervosité dans l’écriture aurait sans doute pu aviver la tension dramatique de cette oeuvre stimulante.

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