Fred Tousch – Maitre Fendard, on a volé le château de sable

On parle beaucoup de ces avocats qui ont quitté la robe pour la scène, Caroline Vigneaux ou César. Il est plus rare qu’un humoriste joue à l’avocat. Mais lorsque l’étonnant Fred Tousch s’y met, c’est peu dire que ça vaut le coup. Sur scène éclate une faconde que pourraient peut-être égaler, seulement, les envolées rhétoriques de la conférence Berryer.

Vu dans Knüt et en Renard Blanc, Fred Tousch présentait à Châlons-en-Champagne son nouveau spectacle où il incarne un avocat délirant, Maître Fendard, accompagné de son fidèle greffier Ménardeau. Après l’affaire de l’antilope à une corne, il doit résoudre celle du château de sable, bâti collectivement par la famille Bellemare pour vaincre ses dissensions, et très probablement détruit par la marée… Mais que dire à la famille accablée par cette disparation ? Il ne s’agit pas de la vérité, bien sûr, comme ces enfants à qui l’on fait croire au père Noël, mais de confier à la famille Bellemare ce qu’elle veut entendre. Alors, qui a volé le château de sable ? Peut-être les tortues de Galapagos, une mafia balkanique, les panthères roses de la place Vendôme, à moins que ce ne soit la tectonique des plaques – un passage génial où le comédien émet des sons distordus en bougeant ses mains comme un DJ aux platines.

Or un vrai DJ l’accompagne : depuis son pupitre, le greffier Ménardeau module des sons electro, envoie des gimmicks, joue des mélodies au clavier et intervient de temps à autre, façon clown blanc, pour mettre en valeur son auguste compère. Oui, Fendard est un avocat bouffi d’orgueil, débordant de grandes phrases et d’effets de manche. Le comédien singe avec un mimétisme étonnant les tics et habitudes de la robe, les « et de » suivi d’un infinitif et ces enchaînements de questions oratoires : « A qui est-ce la faute si le train est en retard ? Au conducteur ? Au contrôleur ? A l’inventeur du rail ? C’est la faute de tout le monde, et moi je dis pardon chaque fois qu’un train est en retard. »

Fred Tousch a tout pour incarner ce personnage : la voix, le jeu, les chansons, puisque le show d’une heure quinze est rythmé par trois compositions à la guitare, rock, réaliste ou variet’… Le jeu du comédien est exceptionnel, qu’il s’énerve ou qu’il enlève ses lunettes pour laisser paraître deux gros yeux effrayants. Sans temps mort ni faiblesse, ce spectacle pétri d’imagination tient sur le fil tendu d’une plaidoirie absurde et imparable.

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