Shirley Souagnon and The Krooks – Free !

Shirley Souagnon est free. C’est le titre du « one woman funky show » qu’elle joue avec un groupe de trois musiciens qui assurent : les Krooks, dont elle produit le premier album. Finie la routine stand-up consistant à répéter chaque soir le même texte dans la même salle, en faisant croire que c’est improvisé. Installée deux jours de suite au Grand Point Virgule où elle ne reviendra qu’un mois plus tard, après quelques dates en province, la comédienne fait ce qu’elle veut. Sans souci de bienséance, elle imagine un personnage déluré d’Amy Winhouse de l’humour et va jusqu’à s’introduire littéralement le micro dans la bouche, pour mimer les prouesses qu’accomplissent les filles hétéro – sans, idéalement, se départir de leur classe et de leur dignité !

Donc oui, Shirley Souagnon est lesbienne et elle joue de son image, de son corps, avec une auto-dérision totale. Celle qu’on prend pour Anthony Kavanah ou Yannick Noah se décrit comme une voiture sans option : pas de seins ni de fesses, il lui reste ses longues dreadlocks et surtout un organe particulier, sa voix unique et cartoonesque, qu’elle peut moduler à loisir pour créer des vibratos funky, des accents mélo ou des stridences séniles.

Shirley Souagnon se définit comme un garçon manqué. C’est simple, nous explique-t-elle non sans esprit : « A l’intérieur de moi il y a un mec qui refuse qu’il y ait un mec à l’intérieur de moi ! » Sa parodie de films de cul, où les lesbiennes sont aussi crédibles que des footballeurs causant sciences, rappelle celle d’Océanerosemarie… Son identité est complexe : avec un prénom pareil, elle pouvait s’identifier aux Américains quand elle était petite, mais sa mère est ivoirienne. Pourquoi ne pas être fière de l’Afrique ? La faute à ces affiches caricaturales montrant des enfants malnutris, des nuées de mouches autour des yeux, comme si c’était des chevaux…

Entre gingles funkys et adresses improvisées au public, elle nous livre dans un passage très écrit sa version des origines de la musique black américaine, soit l’histoire d’esclaves qui gémissent avec des accents bluesies à chaque coup de fouet. Malgré ses 28 ans, elle a pris un petit coup de vieux et s’imagine aussi en vieille prématurée dans le métro, grommelant pour elle-même « Mais enfin qu’est-ce que ça veut dire » lorsque des jeunes parlent mal !

Les transports, c’est de ça que parle Adrien Arnoux dans une première partie courte et réussie, en évoquant avec une parfaite autodérision l’attouchement anal qu’il y a subi. En très peu de temps, il évoque aussi son frère homo qui choppe comme il bouge et sa grand mère raciste, un tabou universel, nous dit-il, qu’il serait temps de lever.

Dans une deuxième deuxième partie (tout un concept), Bun Hay Mean balance une série de punchlines qui font mouche à chaque fois, d’un phrasé rythmé et stylé qu’il a perfectionné depuis son premier one-man, en faisant taire d’un « shut » sans appel la salle qui rigole… Bien vu !

Une soirée originale et vivante donc, qui vibre comme un concert de funk, avec, oui, c’est possible sur une scène comique, de la vraie bonne musique… Entraînés par ces bonnes vibes, on finit par se sentir au diapason des musiciens et de la comédienne.

 

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