Cie Les Rémouleurs – Frontières

  • Mise en scène Anne Bitran. Musique Francesco Pastacaldi. Dessins Martina Menconi. Avec Bérénice Guénée et Martina Menconi (alternance), Anne Bitran, Olivier Vallet, Francesco Pastacaldi (percussions). Crédit photo Gallia-Vallet
  • Spectacle vu le 26 février 2016 à

Créée en 2014 à Jakarta par la Compagnie Les Rémouleurs, Frontières est une lente et délicate mélopée qui, au regard des mythes fondateurs et des contes traditionnels, retrace avec finesse, simplicité et lucidité le parcours d’un migrant. Intégralement sans paroles, volontairement épuré et décontextualisé, ce spectacle met en dialogue des marionnettes d’ombre thaïlandaises avec une création musicale et poly-instrumentiste jouée en direct au plateau, emportée sur des airs du monde entier.

La lumière comme lien universel

Depuis 1983, la Compagnie Les Rémouleurs explore et développe un théâtre artisanal, optique et catoptrique, réhabilitant avec ingéniosité des techniques datant parfois du siècle dernier: lanternes magiques, miroirs sans tain, cyclopes, fantasmagories… Toutes les images animées qui sont projetées sur le grand castelet-écran de papier sont « fabriquées » en direct par le biais de ces différentes machines.

La présence de l’écran sur le plateau ouvre une certaine dimension cinématographique, dynamique allant presque jusqu’à tutoyer le roadmovie. L’action est parfois présentée à travers des ronds de jumelles, des ronds de lumière, des barbelés… Ces différentes propositions métaphoriques relatives au point de vue semblent questionner directement notre positionnement, notre capacité à nous mettre en action face à ces personnes aux parcours de vie éprouvants qui arrivent jusqu’à nous.

Ce grand écran rend tangible le « quatrième mur », cette invisible frontière entre les comédiens et le public, qui sépare également l’intérieur de l’extérieur, ce qui est visible de ce qui ne l’est pas. C’est au cœur de cette dramaturgie du contrepoint que s’ancre la portée universelle du spectacle : le rapport de l’ombre à la lumière, du « montré » au « caché », de la couleur au noir et blanc, du bruit au silence et de l’humain en mouvement à l’inanimé manipulable. Partout dans le monde, les trajectoires de migration se dessinent à travers ces mouvements réversibles. De surcroit, le théâtre d’ombres traduit les enjeux identitaires intrinsèques à tout exil et accentue la dimension anonyme des parcours. Les figurines finement découpées dans de la peau de vache sont interchangeables, superposables, dépourvues de couleurs… Pourtant, la lumière les traverse jusqu’à nous atteindre. Elle s’échappe de l’écran, se reflète dans le plafond, sculpte les murs du Musée de l’Immigration… Ni quantifiable, ni contrôlable, ni enfermable : simple témoignage de l’infini qui est le point de départ de notre humanité.

Entre tradition et modernité, ce spectacle élégant rend un hommage simple et profond à tous ceux qui sillonnent notre planète, et nous relie délicatement à notre lumière intérieure.

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