Le Mariage de M. Weissmann

Interdit est le deuxième roman de Karine Tuil, qui en a écrit neuf. C’est un récit enlevé qui montre de l’intérieur comment un rescapé d’Auschwitz sur le point de se marier tombe dans une crise paranoïaque parce qu’un rabbin lui dénie sa judéité. Salomé Lelouch, qui dirige le Ciné 13 Théâtre depuis 2003, a choisi d’adapter l’histoire dans une mise en scène ludique, avec trois comédiens habillés à l’identique, chemise à carreaux, pantalon de velours et lunettes, pour incarner Saül Weissamn. Si Jacques Bourgaux campe d’un bout à l’autre un Weissmann inquiet et fébrile, Bertrand Combe et l’excellent Mikaël Chirinian incarnent aussi des personnages annexes : sa femme à l’accent yiddish, un psychiatre, les policiers…

Le jour où cet avocat de 70 ans rencontre une femme vierge et disgracieuse de 44 ans – dont le texte livre une savoureuse description des incongruités esthétiques -, il comprend qu’il finira sa vie avec elle. Mais face à un jeune rabbin orthodoxe qui refuse de célébrer le mariage, car lui ne peut prouver que sa mère était juive, vu que toute sa famille est morte dans les camps, sa vie bascule. Il subit une remise en question et développe une schizophrénie que matérialisent ses deux esprits : le Juif et le non Juif, joués par ses acolytes, qui s’affrontent dès qu’il doit prendre une décision.

Si l’humour consiste à jouer des clichés, l’histoire ne cesse d’en distiller sur la considération du Juif vu de l’intérieur et de l’extérieur, comme une identité trop lourde à porter. Ces poncifs contaminent jusqu’au personnage de l’infirmière maghrébine que son mari trompe, dont le fils est en prison et la fille enceinte suite à un viol ! A ce jeu sur les stéréotypes, Woody Allen est plus fin…

Trois comédiens convaincants, une mise en scène rythmée, des transitions soignées, comme fondues dans des jeux de lumières vives… Tout concourt à faire de ce spectacle une réussite. Mais une impression de déjà vu se dégage de ce texte nourri d’humour juif, d’autodérision et de blagues déjà entendues sur le Dieu des Ashkénazes : il n’était pas là à Auschwitz, comment existerait-il pour mon mariage ? On passe un moment assez vivant, dans une ambiance empreinte de légèreté et d’humour, qui nous fait oublier qu’on reste un peu sur notre faim.

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