Nous créons la joie, fermez les volets !

L’entreprise n’est pas nouvelle : proposer au théâtre une parodie de la télévision, comme le faisait, dans une autre perspective, Hobb Story. Dans le viseur de la jeune auteure Hanna Lasserre et de ses comédiens, le storytelling, une technique de narration inspirée des contes et appliquée au marketing, faite pour émouvoir et persuader. Le spectacle commence comme un simulacre d’émission télé, sur une chaîne d’info en continu, CB1. Deux actrices et un acteur jouent des séquences médiatiques, discours politique ou publicités misogyne, auxquels s’entrechoquent des contes pour enfants (Le petit chaperon rouge), des fables de La Fontaine (Le corbeau et le renard) et des gloses sur les mythes fondateurs (Œdipe ou l’Odyssée d’Homère). Un montage qui donne parfois l’impression d’une juxtaposition artificielle

Le message est clair : démontrer par mimétisme le fonctionnement des chaînes d’infos en continu, dont le martèlement finit par imprégner l’inconscient des spectateurs fascinés. Ainsi, cet attentat prétendu à la Tour Eiffel, lequel ne révèle finalement qu’un sac oublié par un touriste. Dans un passage peu nuancé, le comédien incarne un spécialiste de l’éducation et décortique les contes et fables qui seraient, dit-il, nocives pour les enfants. Plutôt qu’à traduire une réalité, l’auteure semble alors chercher à démontrer qu’elle maîtrise, pour mieux les combattre, les codes d’une rhétorique conservatrice abusant de tours vieillis et de concepts abstraits. A l’inverse, beaucoup de directs sont très bien parodiés, comme ces débats d’experts islamophobes qui voient partout la menace d’ « extrémistes islamistes algériens ».

Le côté amateur de la scénographie rend difficile la création d’effets visuels ou sonores propres à la télévision. Le texte, sans doute une première œuvre, se prête bien à un exercice de jeunes comédiens. On y retrouve les passages obligés du genre : salle éclairée au début pour expliquer les techniques du storytelling, panneaux « applaudir » ou « huer » finalement peu utilisés, fausses pub, exploitation totale de l’espace, brouhaha de paroles superposées. La démonstration, un peu poussive, laisse un sentiment de déjà vu et entendu. Reste cette évidence toujours utile à rappeler : méfions-nous de cette télé qui nous enferme, volets clos dans l’obscurité, pour mieux transmettre l’angoisse et la peur de l’autre.

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