Marc Gelas – Tango solo

Marc Gelas, qu’on découvre seulement sur scène alors qu’il n’en est pas a son coup d’essai, est un comédien sensible, original, versé dans une écriture du langage qu’on avait pu goûter dans les spectacles de Gauthier Fourcade qu’il a coécrits. Son goût pour filer les mots en fonction de leur sonorité n’a rien du calembour, c’est une dimension métaphysique, psychanalytique, ou simplement poétique qu’ouvrent les phrases de Gelas, comme des sentiers dans l’inconnu ou le trop familier de la langue. Si le mot « superfétatoire », une fois lâché, appelle par magnétisme l’expression une « super fête à Thouars », Gelas part ensuite dans une direction qui légitime cette association absurde et inattendue, en défrichant un sens nouveau. Et si il s’amuse du parallèle entre le « Brahmane des chats mous » et le « Shamane des bras-mous », c’est pour inventer un peuple certes farfelu, mais qui sert de miroir à notre société.

Physiquement, Marc Gelas a ceci de remarquable qu’il est grand, distingué, et se déplace avec un détachement aristocratique. Sa longue figure chauve a quelque chose de flegmatique et de comique, ahurie, souriante ou expressive. Sa diction est parfaitement claire, presque trop précise ou affectée parfois, mais lorsqu’il s’énerve elle gagne en naturel.

Dans ce monologue si soigneusement écrit, le comédien circonscrit la scène presque nue qu’il traverse dans tous les sens. Ainsi dresse-t-il le portait d’un homme enfermé chez lui qui a peur du dehors et qui, petit à petit, va s’ouvrir, s’apaiser. Il s’agite, réfléchit, s’endort – et nous donne alors le récit détaillé de ce rêve où il se voit, enfant, descendre une pente à vélo. La lutte entre ses démons intérieurs se fait jour vers la fin, dans l’hésitation à sortir, où s’affrontent la peur du monde extérieur peuplé de cons et la certitude qu’au fond, il est comme les autres.

Il est question de vie, de peur, d’amour dans ce texte plein d’autodérision, qui aborde bien des facettes de la réflexion humaine. S’il fait visiter aux spectateurs son appartement imaginaire, il leur livre aussi une autopsie de son corps, et on savoure la liste exhaustive des maux qu’il éprouve, physiques ou mentaux. On découvre l’intimité d’un être seul, en conversation permanente avec lui-même, caisse de résonance d’un moi offert au public avec beaucoup de pudeur.

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